Des antidotes pour éviter les effets indésirables des antibiotiques

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Camille Goemans, microbiologiste, a étudié différentes antidotes capables de minimiser les effets délétères des antibiotiques. Et ses travaux, au Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire (EMBL), en Allemagne, où elle termine un postdoctorat, lui ont permis d’identifier quelques molécules prometteuses. Des « antidotes » qui se retrouvent en réalité dans des médicaments déjà utilisés en médecine.

144 antibiotiques à l’étude

« Les effets secondaires des antibiotiques les plus communs sont des problèmes gastro-intestinaux et des infections récurrentes à Clostridoides difficile. À plus long terme, on peut également assister au développement de maladies allergiques, métaboliques, immunologiques et inflammatoires », explique la scientifique. Dans l’étude qu’elle a menée à l’EMBL, au sein du groupe du Dr Nassos Typas, en collaboration avec la Dre Lisa Maier, de l’Université de Tübingen, Camille Goemans a analysé les effets de 144 antibiotiques sur le bien-être des bactéries les plus communes de notre microbiote intestinal. De quoi améliorer la compréhension des effets néfastes des antibiotiques sur la flore intestinale. Et proposer de nouvelles stratégies pour les réduire.

 

Tétracyclines et macrolides: un duo mortel pour le microbiote

En travaillant sur des cultures de cellules, des souris de laboratoire ou encore des échantillons de microbiotes humains, les chercheurs révèlent que les tétracyclines et macrolides n’empêchent pas simplement la croissance des bactéries du microbiote mais qu’elles les tuent. « La moitié des souches de bactéries testées ne survivent pas à un traitement avec ces antibiotiques », explique-t-on à l’EMBL.

« Nous ne nous attendions pas à cet effet. Auparavant, on supposait que ces classes d’antibiotiques ne faisaient qu’arrêter la croissance des bactéries, mais ne les tuaient pas. Les expériences montrent que cette hypothèse ne s’applique pas à environ la moitié des microbes intestinaux que nous avons examinés. La doxycycline, l’érythromycine et l’azithromycine, par exemple, trois antibiotiques couramment utilisés, ont tué plusieurs types courants de bactéries intestinales tout en inhibant uniquement la croissance des autres », explique Camille Goemans.

Afin de réduire ces dommages collatéraux, l’équipe a exploré la pharmacopée actuelle. L’idée étant d’identifier un second médicament susceptible de supprimer les effets néfastes des antibiotiques sur les bactéries utiles du microbiote intestinal, tout en conservant l’effet désiré de l’antibiotique sur les bactéries pathogènes. Quelque 1200 médicaments ont été pris en compte. Une dizaine d’entre eux semblent offrir une certaine protection aux bactéries du microbiote intestinal.

 

Quel antidote ?

Notre approche, qui combine un antibiotique avec un antidote, peut mener à de nouvelles opportunités thérapeutiques pour réduire les effets secondaires des antibiotiques sur notre flore intestinale », estime Camille Goemans.

« Mais attention », précise-t-elle aussitôt. « Nous ne sommes pas ici dans une recherche clinique. Nos travaux relèvent de la recherche fondamentale. Ces médicaments, qui peuvent éventuellement jouer un rôle d’antidotes, sont des molécules de différentes classes. Ils sont administrés dans le cadre de différents types de pathologies et présentent eux-mêmes des effets secondaires. »

“Les antidotes les plus puissants étaient l’anticoagulant dicumarol, le médicament contre la goutte benzbromarone et deux anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’acide tolfénamique et le diflunisal”,

« Aucun antidote ne pourra protéger toutes les bactéries de notre intestin, mais ce concept ouvre la porte au développement de stratégies personnalisées pour garder notre microbiote en bonne santé », précise-t-elle encore. « Ce qui, à terme, pourrait réduire l’apparition de maladies liées à un déséquilibre de la flore intestinale. »

Références:

https://www.embl.org/groups/typas/ 

https://www.nature.com/articles/s41586-021-03986-2