Hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 : clap de fin ?

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Hydroxychloroquine
« Considérés dans leur ensemble, les résultats ne plaident pas en faveur d’une utilisation de l'hydroxychloroquine comme traitement pour les patients atteints du Covid-19 », estime la prestigieuse revue The Lancet. Alors l’hydroxychloroquine sera-t-elle définitivement abandonnée comme option de traitement ?

Traiter ou pas traiter avec l’hydroxychloroquine, voilà une question qui fait débat depuis plusieurs semaines, et partage les scientifiques. D’un côté, il y a les convaincus avec, en chef de file, le professeur Didier Raoult. De l’autre, les sceptiques qui ne se prononcent pas sans avoir pour preuve des études cliniques validées. En effet, le rapport bénéfice-risque des schémas thérapeutiques avec l’hydroxychloroquine et macrolides sont mal évalués dans la prise en charge de la Covid-19, plusieurs études ont montré des réponses variables dans des analyses d'observation non contrôlées, et de petits essais ouverts et randomisés ont été aussi largement non concluants que surmédiatisés et sur-politisés. Seul un essai clinique randomisé permettrait d’établir un lien formel de causalité.

Une vaste étude observationnelle, parue le 22 mai dans la prestigieuse revue anglaise The Lancet relance le débat cette semaine ! Cette étude observationnelle multinationale (671 hôpitaux sur 6 continents), de grande ampleur (près de 100 000 patients), compile les résultats en vie réelle de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 entre le 20 décembre 2019 et le 14 avril 2020. Cette étude tend à confirmer deux points importants.

Premièrement, l’hydroxychloroquine  (ou la chloroquine) ne montre aucun intérêt dans le traitement du Covid-19 lorsqu’elle est administrée tôt (à partir de 48 heures après le diagnostic de Covid-19 par test PCR) chez les patients hospitalisés (mais sans ventilation mécanique), et ce quel que soit son schéma médicamenteux en association ou non à un macrolide (en particulier azithromycine ou clarithromycine). Deuxièmement, chacun des schémas thérapeutiques de chloroquine ou d'hydroxychloroquine seule ou en association avec un macrolide était associé à un risque accru de survenue cliniquement significative d'arythmies ventriculaires et a démontré un taux de mortalité global de 18 % pour l’hydroxychloroquine seule (16,4 % pour la chloroquine), de 23,8 % pour l’hydroxychloroquine associée à un macrolide (22,2 % pour la chloroquine + macrolide), contre un taux de mortalité globale de 9,3 % dans le groupe témoin.

Même si seul des essais cliniques randomisés permettraient de tirer définitivement les conclusions sur les avantages ou les inconvénients de ces agents chez les patients atteints de COVID-19, l’étude du Lancet donne un signal très inquiétant. Au point que l’OMS a tranché et pris la décision de suspendre temporairement par mesure de précaution les essais cliniques avec l’hydroxychloroquine qu’elle mène avec ses partenaires dans plusieurs pays. De quoi aussi fort probablement mener à une révision des protocoles thérapeutiques auxquels recourent nos hôpitaux. Par manque de résultats thérapeutiques, certains hôpitaux belges avaient déjà retiré ce protocole de traitement depuis quelques semaines. Sciensano déconseille désormais fortement l’hydroxychloroquine pour soigner les personnes hospitalisées pour le Covid-19. Il ne recommande le médicament que dans le cadre d’essais cliniques en cours, après avoir réévalué les risques et les avantages de l’étude.

Nathalie Evrard

Références :

Mehra M R, Desai S S, Ruschitzka F, Patel AN : Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of COVID-19: a multinational registry analysis. www.thelancet.com Published online May 22, 2020 https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)31180-6.