Les dermatologues appellent à élargir l'accès aux thérapies innovantes contre le psoriasis
En Belgique, le psoriasis, une maladie auto-immune affectant principalement la peau, touche environ 300.000 personnes, soit 2 à 3% de la population. Encore méconnue, cette pathologie est également liée à d'autres co-morbidités telles que l'arthrite, les maladies cardiovasculaires et l'obésité, ce qui en fait une maladie complexe et souvent mal comprise. « Un système récent, appelé « treat to target’ trigger system » ou «traitement pour cibler les déclencheurs de la maladie », a été conçu pour encourager les dermatologues à prendre en compte non seulement la sévérité de la maladie, mais aussi la qualité de vie des patients, la lourdeur des traitements et la présence de comorbidités. Comparé à il y a dix ans, la prise en charge des patients atteints de psoriasis modéré à sévère en Belgique a considérablement progressé, avec des résultats significatifs quant à l’atteinte des objectifs thérapeutiques et une satisfaction élevée, tant pour les patients que pour les médecins. Cependant, un patient sur cinq n’atteint toujours pas ces objectifs et ne bénéficie pas de biothérapies, ce qui montre que des progrès restent encore à être faits » note le Docteur Hilary, KULeuven.
En effet, si des traitements innovants comme les biothérapies existent et ont montré toute leur efficacité, leur coût reste toutefois un frein majeur. L’augmentation de la demande d’accès aux nouveaux traitements exerce une pression croissante sur le budget de la santé en Belgique. En 2024, les remboursements de médicaments représenteront 15,4 % du budget global de la santé. En 2022, les inhibiteurs d’interleukines (utilisés pour traiter le psoriasis, la dermatite atopique et l’hidradénite suppurée) ont représenté 58,3 % des dépenses en médicaments prescrits par les dermatologues (statistiques INAMI, 2022). Malheureusement, les données concernant les dépenses ne sont disponibles qu'a posteriori, ce qui rend difficile une gestion proactive des coûts. Pour limiter la pression de ces soins sur le budget de la santé, l'État a choisi de limiter l'accès à ces biothérapies par des critères de remboursements très stricts estime Jo Lambert, UZ Gent. « Seuls 10% des patients peuvent actuellement bénéficier des dernières avancées, estime la dermatologue. Il est crucial d'évaluer la valeur ajoutée globale des médicaments innovants, en tenant compte des résultats pour les patients et des économies potentielles à long terme ».
Les dermatologues de la Société royale belge de Dermatologie et de Vénérologie ainsi que de l'Union professionnelle belge de Dermatologie et de Vénérologie estiment que les critères actuels sont trop restrictifs et ne tiennent pas suffisamment compte de la qualité de vie des patients. "Le gouvernement devrait se concentrer sur les bénéfices à long terme de ce type de traitements. Nos patients nous parlent de véritable miracle. Ils sont moins déprimés, peuvent aller au travail et avoir une vie sociale, cela représente aussi des économies potentielles pour la sécurité sociale", souligne Jo Lambert. Avant d'imposer des limitations budgétaires, il est également important d’évaluer les coûts dits « les coûts d'opportunité » (opportunity cost) liés à l’utilisation de traitements moins efficaces et moins sûrs. La communauté dermatologique belge explore actuellement des pistes de réduction des coûts, notamment via des essais de dosage personnalisé (KCE trials) pour ces médicaments innovants.