Résistance aux antibiotiques : nous sommes tous concernés !

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Antibioticaresistentie
La vague de Covid qui submerge encore le monde tend à faire oublier la persistance d’autres grands tueurs. L’antibiorésistance en est un de taille, comme le confirme une étude évaluant pour la première fois l’impact de la résistance aux antibiotiques à l’échelle mondiale.

Selon cette étude parue dans The Lancet, la perte d’efficacité de certains antibiotiques a causé 1,27 million de morts dans le monde en 2019, soit davantage que le sida ou le paludisme. Il s'agit de la première analyse complète de l'impact mondial de la résistance aux antimicrobiens, portant sur 204 pays et territoires. Le Pr Christopher Murray, coauteur et épidémiologiste à l’université de Washington, remarque ainsi que « ces nouvelles données révèlent la véritable ampleur de l’antibiorésistance dans le monde. De précédentes estimations prédisaient 10 millions de morts par an en 2050, et l’on sait désormais que nous sommes bien plus proches de ce chiffre que nous le pensions ». L'ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control) estime que chaque année, plus de 670 000 infections se produisent dans l'UE/EEE en raison de la résistance bactérienne aux antibiotiques et qu'environ 33 000 personnes meurent des conséquences directes de ces infections.

Christopher Murray, rappelle que « la résistance aux antibiotiques résulte d’un phénomène naturel : les bactéries s’adaptent génétiquement pour contourner ce qui les menace et survivre. Mais notre mauvais usage des médicaments amplifie et accélère cette tendance, y compris dans les pays développés ». « Les régions les plus durement frappées par l’antibiorésistance et la mortalité qui lui est liée sont l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud (Inde, Népal et Pakistan), notamment parce que l’exposition aux bactéries résistantes est favorisée par de mauvaises conditions d’hygiène (eaux souillées, etc.). L’Europe de l’Ouest, où le problème est davantage lié au mésusage des traitements, arrive en 16ème position sur 21 ».
Cette étude montre par ailleurs que les principales maladies rendues mortelles par l’antibiorésistance sont les infections des voies respiratoires inférieures (pneumonies notamment), les septicémies et les infections intra-abdominales (péritonites, etc.). Les bactéries résistantes mortelles les plus fréquentes en Europe de l’Ouest sont E. Coli, Klebsiella pneumoniae et le staphylocoque doré.

 

La Belgique, très mauvais élève

Pour endiguer le problème de la résistance aux antimicrobiens, les règles de remboursement ont été renforcées en 2017 et 2018, et les gouvernements ont lancé un plan d’action en 2019 pour encourager une utilisation moindre et meilleure des antibiotiques.

Les résultats de ces mesures ont été analysées, elles montrent que les incitations purement financières ne sont pas suffisantes pour encourager un usage moindre et plus correct des antibiotiques. De plus, il semble que les baisses des antibiotiques remboursés aient été beaucoup plus fortes après les mesures de confinement pendant la pandémie, que les baisses consécutives aux mesures politiques. Il est donc nécessaire de sensibiliser davantage les médecins et les patients. « Il est urgent de s'engager dans une santé préventive. Les belges restent pourtant de mauvais élèves malgré les campagnes d’information (voir encadré). Nos patients sont peu inquiets car ils méconnaissent les conséquences de cette menace. Pour eux, les antibiotiques sont des armes invulnérables, efficaces indéfiniment » souligne Sam Ward, urologue.  

Consumption of Antibacterials for systemic use
Consumption of Antibacterials for systemic use (ATC group J01) in the community (primary care sector) in Europe, reporting year 2020