Le nombre de prothèses articulaires ne cesse d’augmenter : faut-il s’en inquiéter ?

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prothèses articulaires
Le 17 septembre, c’est la Journée Mondiale de l’Arthrose : une occasion de reparler de l’importance de prévenir et de bien traiter cette pathologie. Cette année, la Fondation Arthrose et l’Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale (AFLAR) ont décidé de communiquer ensemble pour dénoncer l’absence d’un parcours de soins du patient souffrant d’arthrose. Une conséquence de ce manque de stratégie thérapeutique est le nombre croissant de pose de prothèse visant à remplacer l’articulation malade.

Récemment, l’Osteoarthritis Research Society International (OARSI), la Société Scientifique Internationale de référence en matière d’arthrose, a publié des recommandations qui tiennent compte de la présence de maladies associées à l’arthrose comme le diabète ou les maladies cardiovaculaires. Pour l’OARSI, et nous partageons cette approche, le cœur du traitement de l’arthrose est non-pharmacologique, c’est-à-dire sans médicament, et ce quel que soit l’âge, la sévérité de l’arthrose, et l’état général du patient. Les traitements non-pharmacologiques recommandés sont les exercices physiques, la perte poids, l’information ainsi que l’éducation thérapeutique. Les médicaments sont utiles pour gérer la douleur et faciliter la pratique d’une activité physique.

 

Pour le genou il s’agit seulement de l’application d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) sous forme de topiques. Si ce traitement n’est pas efficace, alors le médecin peut avoir recours à des anti-inflammatoires par voie orale en tenant bien évidemment compte des autres problèmes de santé du patient. Le souci est que peu de patients adhèrent aux traitements non-pharmacologiques. Ils ont directement recours aux AINS oraux, ce qui peut avoir des conséquences graves pour leur santé.  En général, si les patients ne sont pas ou plus soulagés par les anti-inflammatoires, ils consultent un chirurgien qui leur propose une prothèse. C’est ce raccourci dans la prise en charge des patients que nous voulons dénoncer ce 17 septembre » argumente le Pr Yves Henrotin, kinésithérapeuthe (ULG).

  

Les techniques chirurgicales et les matériaux ont fortement évolués ces dernières années, ce qui a permis de réduire les risques chirurgicaux (infections, embolies), de diminuer la durée de l’hospitalisation et de la convalescence mais aussi d’augmenter la durée de vie des prothèses. Actuellement, on estime la durée de vie d’une prothèse à 20-30 ans selon les cas et l’âge du placement. Mais attention, même si ce type de chirurgie tend à être banalisé, il ne faut se laisser tenter trop vite. Idéalement, la chirurgie devrait être réservée aux patients pour lesquels les traitements médicaux et une kinésithérapie bien menée ont échoué. Or, seulement 20% ont pratiqué des exercices avant la chirurgie. De plus, 36% des patients ne sentent pas d’amélioration après la pose d’une prothèse. Dès lors, il serait peut-être utile de revoir l’indication chirurgicale » précise le Pr J.-E. Dubuc (Cliniques Universitaires St Luc, Belgique) et pourtant le nombre de ce type d'intervention ne cesse d'augmenter. 

 

 « Il est important de rappeler que 15 à 30% des patients sont insatisfaits par leur intervention selon l’articulation concernée et qu’une prothèse ne remplacera jamais à l’identique une articulation. Même si la pose d’une prothèse est inéluctable, il est important de se préparer à celle-ci. L’idéal est de réaliser une série de séances de kinésithérapie avant l’intervention afin de récupérer de l’amplitude articulaire, de renforcer les muscles nécessaires à la fonction et la stabilité de l’articulation, d’étirer les muscles rétractés et d’éduquer le patient à la vie avec sa prothèse. Outre le fait de réduire la douleur, la prothèse doit aussi permettre au patient d’augmenter son niveau d’activité dans le but de préserver ou d’améliorer son état de santé général. L’objectif doit être pour de nombreux patients de quitter la sédentarité. Ce point doit être discuté avant l’intervention. Enfin, avoir une prothèse ne signifie pas la fin des problèmes. De nombreux patients continuent à avoir mal même avec une prothèse. Il faut se rappeler que même si l’articulation malade à été enlevée, les muscles et les tendons qui l’entourent restent dans le même état qu’avant l’opération. Dès lors, le patient doit être conscient que les conseils d’hygiène de vie préconisés pour améliorer l’arthrose restent d’application après la pose d’une prothèse », insiste le Pr Y Henrotin.

 

« Notre souhait est de mettre en place un parcours de soins pour les patients arthrosiques à l’instar de ce qui se fait pour les patients lombalgiques. Nous sommes convaincus que, comme la plupart des maladies associées à une douleur chronique, l’arthrose doit être prise en charge par une équipe pluridisciplinaire comprenant médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes et psychologues. Ces derniers jouent un rôle important dans la gestion de l’arthrose. Ils maîtrisent en effet des techniques de gestion de la douleur qui peuvent, associées aux autres traitements, améliorer fortement la vie du patient. Ils sont également importants pour motiver le patient à faire ses exercices et l’aider à passer à l’action, par exemple, en favorisant le sentiment d’auto-efficacité. En prenant en charge le patient de manière multidisciplinaire, nous espérons retarder, voire empêcher la pose d’une prothèse, et mieux préparer le patient à celle-ci si elle ne peut être évitée » déclare madame Mathy psychologue clinicienne, Administratrice déléguée de la Fondation Arthrose.