Les allergènes de la décennie

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Allergenen
Du 1 au 5 décembre se déroulent les Journées Dermatologiques de Paris. Lors d’une session, plusieurs dermatologues ont fait le point sur les substances pouvant créer une allergie ou une toxidermie. Un message important à retenir pour nos patients est : toute suspicion d’allergie avec un produit, un aliment, un médicament quels qu’ils soient, doit faire l’objet d’une mise au point chez un dermatologue. Pour faciliter la démarche diagnostique, il est souhaitable de conserver la substance incriminée afin de la tester pour pouvoir mettre en évidence des allergènes rares, absents des batteries de tests disponibles, ou encore de nouveaux allergènes.

D’après un entretien avec le Dr Emmanuelle Amsler, dermatologue.

Côté cosméto

La méthylisothiazolinone (MIT), conservateur retrouvé dans les produits cosmétiques, dont les lingettes, mais également dans des peintures à l’eau, des produits d’entretien et des produits de consommation courante comme la colle, est l’allergène de la décennie responsable de très nombreux cas d’eczéma allergique de contact. Son interdiction dans les produits cosmétiques non rincés en 2017 et la limitation de concentration dans les produits rincés en 2018 ont permis une nette réduction du nombre de réactions allergiques. Néanmoins la MIT est toujours présente et peut croiser avec d’autres isothizolinones, non autorisées dans les cosmétiques, comme la benzysothiazolinone ou l’octylisothiazolinone (OIT). Celui-ci utilisé comme biocide lors du tannage du cuir peut entraîner des allergies de contact à certains objets en cuir.

Les huiles essentielles sont également pourvoyeuses d’allergies de contact parfois sévères et souvent

méconnues, le patient ne pensant pas à leur responsabilité potentielle compte-tenu de leur côté

« naturel». Il faut donc savoir y penser et rechercher systématiquement leur utilisation lors de l’exploration d’un eczéma de contact.

La mode des faux ongles, capsules de gels et vernis semi-permanent a entraîné des eczémas allergiques aux methacrylates, tant chez les professionnels de l’esthétique que chez les utilisateurs ayant parfois recours à des kits pour faire soi-même vendus sur internet.

Coté alimentaire

Les modifications des habitudes alimentaires, avec la consommation de produits jusqu’à présent peu consommés en Europe occidentale, comme par exemple les noix du Brésil, les noix de cajou, les pignons de pins ont fait émerger de nouvelles allergies.

Récemment, a été mise en évidence une allergie aux viandes rouges et aux abats, liée à la présence d’un sucre l’α-gal (galactose α1-3 galactose) dans la viande de mammifères non-primates, les patients se sensibilisant après piqure de tique. La particularité de ces symptômes d’allergie (réactions urticariennes pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique) est leur survenue souvent tardive, 3 à 6h après l’ingestion de l’aliment.

Sont apparues également au cours de ces dernières années des allergies sévères au lait de brebis et au lait de chèvre, chez des patients sans allergie au lait de vache associée et fréquemment atopiques. Ces allergènes peuvent être présents masqués dans des plats préparés.

Sur le plan diagnostique, l’apport du dosage des IgE spécifiques recombinants permettent aujourd’hui la détection des différents allergènes d’un aliment et la prédiction du risque clinique en cas d’ingestion.

Coté médicaments

Les Inhibiteurs de la Pompe à Protons, généralement bien tolérés peuvent être responsables de toxidermies parfois sévères ainsi que de cas de lupus induits. Les inhibiteurs de check-point (anti-PD1 et anti-PDL1) sont à l’origine de nombreuses manifestations immunologiques et d’éruptions, mais également de toxidermies sévères parfois atypiques.

Enfin, les pénicillines et dérivés pour lesquelles de nombreux patients sont à tort étiquetés allergiques, l’allopurinol, les anti-épileptiques ou le sulfaméthoxazole restent des grands classiques de l’allergie médicamenteuse.