L’hypersensibilité médicamenteuse concernerait 8 % de la population, avec des formes le plus souvent bénignes.

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Sur les 34 millions d’événements indésirables liés aux médicaments recensés chaque année au niveau mondial, 7,25 millions, soit 21 %, sont dus à une hypersensibilité médicamenteuse, selon les chiffres présentés par la Dre Bénédicte Lebrun-Vignes, dermatologue vénérologue au département de médecine interne et immunologie clinique de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP, Paris), lors d’une séance de l’Académie française de pharmacie. Le phénomène touche davantage les femmes (11,4 %) que les hommes (7,2 %). Il reste difficile à quantifier et à qualifier, car il est à la fois sous-déclaré et sur-estimé en raison de la confusion avec l’allergie.
Or dans 90 % des cas, l’hypersensibilité médicamenteuse est non allergique. Elle est généralement bénigne, avec des manifestations cutanées : exanthème maculo-papuleux ou urticaire. Elle est le plus souvent provoquée par des antibiotiques, notamment les bêtalactamines, et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Les risques sont modulés selon la situation : polymédication, état de santé du patient (infection, asthénie, fièvre, stress), acte chirurgical… « L’hypersensibilité immédiate implique la prise de plusieurs médicaments et est dose-dépendante. Elle est rarement sévère et se manifeste par une éruption isolée », a indiqué le Pr Frédéric Bérard, chef de service immuno-dermatologie et allergologie au CHU Lyon-Sud. L’hypersensibilité retardée, qui peut également être allergique ou non, s’exprime le plus souvent par un exanthème, évoluant favorablement une à quatre semaines après l’arrêt du médicament, suivi d’une desquamation sans séquelles. L’hypersensibilité allergique est plus grave, avec des réactions anaphylactiques. Dans le Dress syndrome (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms), le patient peut présenter une éruption cutanée avec desquamation fine, une altération de l’état général, une fièvre, des atteintes du foie (cytolyse, cholestase), du rein (néphropathie interstitielle), des poumons (allant jusqu’au syndrome de détresse respiratoire aiguë) et du cœur (myocardite). La mortalité est estimée entre 5 à 10 %. Les médicaments les plus impliqués sont les anti-épileptiques, l’allopurinol, les sulfamides antibactériens, la minocycline, la dapsone. La nécrolyse épidermique toxique touche entre 100 et 400 personnes par an en France, avec un taux de mortalité de 23 %. Elle se décline en syndrome de Stevens-Johnson (moins de 10 % de surface cutanée décollée), syndrome de chevauchement (10 à 30 %) et syndrome de Lyell (plus de 30 %). Elle se manifeste par une altération de l’état général avec forte fièvre, des atteintes des muqueuses et, dans 25 % des cas, des atteintes pulmonaires (SDRA). « Elle peut être causée par les sufamides antibactériens, l’allopurinol, les antiépileptiques, les AINS de la famille des oxicams, la névirapine, la lamotrigine, la sertraline, le pantoprazole, le tramadol. De nouvelles molécules sont à haut risque : les anti-épileptiques zonisamide, oxcarbazépine, lévétiracétam et les anticancéreux mogamulizumab, vémurafenib, cobimétinib », a listé la Dre Lebrun-Vignes. Références : D’après la séance de l’Académie de pharmacie (5 avril).